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Vous travaillez sur la régulation publique de ces ressources. Quel est l’enjeu ?
Des blocages et des contraintes institutionnelles pèsent sur l’encadrement législatif des collections d’échantillons biologiques. Nous réfléchissons à un meilleur moyen de valoriser ces échantillons pour la recherche contre le cancer, tout en garantissant la sécurité sanitaire et la protection des personnes. Ces dernières sont garanties en théorie, mais pas vraiment en pratique. L’extra-patrimonialité des éléments du corps humain, par exemple, est inscrite dans le Code civil depuis 1994. Elle protège contre la marchandisation du corps. Pourtant, une fois prélevés, transformés, et conditionnés, les extraits biologiques peuvent circuler, être cédés et se retrouvent sur un marché.
Le cadre juridique n’est pas suffisant…
Il faut circonscrire l’objet à valoriser. Un échantillon est composé de quatre objets juridiques, ayant chacun leur régime : l’élément biologique en lui-même, les données personnelles associées, le savoir-faire des professionnels et la valeur ajoutée par son insertion dans une collection homogène. Puis identifier les acteurs en jeu : patients, établissements de santé qui opèrent les prélèvements, Assurance Maladie qui les financent, institutions de recherche, chercheurs… Sans oublier l’enjeu de la pérennité des financements, dont les sources sont aujourd’hui diverses.
Y-a-t-il un manque global de ressources financières pour faire fonctionner ces biobanques ?
Oui et non. C'est surtout un problème de fragmentation de financements non pérennes. Or, il faut donner un coût à ce qui représente un travail. Une politique d’incitation, en réservant certains financements publics à ceux qui accepteraient de partager leurs ressources, pourrait constituer un levier intéressant. Reste à savoir aussi si le patient doit obtenir un bénéfice financier.
La volonté publique est-elle la clé ?
La mise en place d’une politique publique des biobanques permettrait d’améliorer la mise à disposition des échantillons. Les considérer comme un patrimoine public engendrerait un partage des ressources dans l’intérêt général, en dépassant la notion de propriété. Un service public des biobanques permettrait aussi de sécuriser l’activité, en fixant par exemple un prix minimum de vente d’un échantillon et un droit de préemption de l’Etat, comme pour les objets d’art. Les pratiques seraient ainsi uniformisées.
Votre projet est pluridisciplinaire. Pourquoi ?
Avec L’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse-Oncopole, Toulouse se distingue à l’échelle internationale en matière de recherche contre le cancer. En démarrant ce projet il y a deux ans, financé par l’Agence Nationale de la Recherche, nous avons pointé des blocages à la valorisation des échantillons de tumeurs, aux niveaux économique, juridique, sanitaire et social. Il y a des incertitudes au sujet de la propriété des collections et de la liberté de les constituer, des questions sur le coût de fonctionnement des CRB, sur la destruction de ces ressources ainsi que sur le partage des bénéfices qu’elles sont susceptibles d’engendrer... C’est pourquoi nous avons associé à notre recherche une trentaine de professionnels : le service d’anatomo-pathologie de l’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse, l’Inserm, des chercheurs de Toulouse School of Economics, des juristes spécialistes des données personnelles, des contrats ou encore de la propriété intellectuelle...
Directeur du programme de recherche « Tumor banks » (TuBa), financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), via l’Idex de l’Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées, Xavier Bioy est professeur de droit public à l'Université Toulouse Capitole, membre de l’Institut Maurice Hauriou. Il mène des recherches sur le droit des libertés, le droit constitutionnel et la bioéthique. Il codirige le Master « Droit des libertés » et le Master « Ethique» de l’université.
Post-doctorante en charge du programme « Tumor banks » (TuBa) et auteur de « Les enjeux juridiques de l'accès à l'information génétique », Thèse de doctorat Inserm-UT Capitole.
Les organismes doivent déclarer leurs collections dès lors qu'ils préparent et conservent des échantillons pour leurs programmes de recherches.
Ils doivent obtenir une autorisation quand leur objectif est de céder ces échantillons.
Les actes du colloque « Régulation publique des centres de ressources biologiques en cancérologie », organisé en mai 2017 à l’Université Toulouse Capitole, seront publiés en 2018 aux Etudes Hospitalières (LEH) et chez Springer. Les interventions d'ouverture du colloque et les échanges autour des tables rondes peuvent dès à présent être visionnés en ligne.
« Vers une politique publique des biobanques », Xavier Bioy, Revue de Droit Sanitaire et Social 2010, n°5,
« Les biobanques : quels enjeux en 2017 ? », Paul Hofman, Revue francophone des laboratoires, janvier 2017 - N°488
« Les biobanques », Florence Bellivier, Christine Noiville , PUF, 2009