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#TouchePasAmaCroix, #MontreTaCroix, #DefendsTaCroix… En quelques semaines, des hashtags un peu inattendus ont fleuri sur les réseaux sociaux en réaction à deux décisions récentes, et donc controversées, du Conseil d’État.
La première concernait la légitimité – ou non – d’une croix sur le portail d’un cimetière communal dans la Vienne. La seconde, l’autorisation – ou non – d’ériger une croix au sommet d’un monument construit en hommage au pape Jean-Paul II dans le village de Ploërmel en Bretagne. Dans ce dernier cas, la décision du Conseil d’État a ordonné le retrait de la croix.
Quelle place accorder aux symboles religieux – en lien ou non avec la mort – dans notre espace public ? Deux courants s’opposent, parfois avec force, dans notre société : la laïcité d’un côté, la tradition de l’autre.
Si la loi de 1905 (actant la séparation des Églises et de l’État) donne des clés sur cette question, il faut sans doute d’abord se demander pourquoi ce sujet, ancien, enflamme aujourd’hui à nouveau les esprits ? Combien de croix ornent l’entrée des quelque 43 000 cimetières recensés en France ? Combien de calvaires croise-t-on sur les bords de route ?
Pendant cent vingt ans, la question n’a soulevé que peu de problèmes. Aujourd’hui, cependant, on peut voir dans ce sujet qui irrite notre société mondialisée la manifestation des multiples identités culturelles, religieuses et nationales coexistant au sein du pays.
Au passage, soulignons même un paradoxe concernant la religion catholique romaine. Bien qu’en perte d’influence, elle apparaît, étonnamment, de plus en plus conflictuelle. Sans doute parce que notre société est désormais confrontée à l’émergence et à la diffusion d’autres religions plus présentes.
Croix ou pas croix
Concernant la place à accorder aux symboles religieux dans l’espace public, il convient de rappeler l’article 28 de la loi de 1905. Précis, ce texte ne laisse la place à aucune obscurité. Il indique qu’ « il est interdit à l’avenir d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ».
L’article 28 dit que l’on est conscient de notre histoire catholique ou chrétienne, et qu’il ne s’agit en aucun cas de la renier. Il ne dit pas que l’on supprimera les croix déjà existantes et précise que l’on fait ce que l’on veut dans l’espace privé, mais que « l’on n’élève pas et n’appose pas dans l’espace public ». Il pose donc le cadre avec quatre exceptions de lieux dans lesquels sont tolérées les expressions religieuses.
Ce texte de loi n’a pas empêché les récentes controverses et a obligé le Conseil d’État à rendre un avis en juillet 2017.
À propos de la croix à l’entrée du cimetière vendéen, le Conseil d’État a rappelé qu’un cimetière est une dépendance du domaine public et neutre de la commune, et que la loi de 1905 réserve uniquement la possibilité d’apposer des signes ou emblèmes religieux sur les terrains de sépulture, les monuments funéraires et les édifices servant au culte, à l’exclusion d’autres endroits. Pour le Conseil d’État, si la croix à l’entrée du cimetière préexiste à la loi de 1905, elle reste légale. Si, en revanche, une nouvelle croix fait son apparition, elle ne l’est pas.
À titre personnel, en tant que citoyen, en tant que juriste, mais aussi en tant que croyant, cette lecture de la loi me convient. Je ne suis pas favorable à casser ce qui existait avant 1905 et j’entends le pragmatisme du Conseil d’État qui consiste à prendre en compte les exceptions prévues par la loi.
En revanche, je ne suis pas favorable à une multiplication des exceptions, qui équivaudrait selon moi à la dilution du principe de laïcité, comme cela a été le cas par ailleurs au sujet des crèches de Noël [voir vidéo]. J’assume une laïcité « tranchée », « nette » et non une laïcité « latitudinaire ».
Laïcité latitudinaire, Recueil Dalloz, octobre 2011.
Trois sermons contentieux pour le jour de Noël : la Laïcité et le juge administratif : à propos de l’exposition de crèches de Noël par des personnes publiques, La Semaine Juridique, juin 2015.