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PROJET TUBA "Public regulation in tumor bank" projet dirigé par le Professeur Xavier BIOY
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Présentation TUBA (Français)
Patrimonialiser les ressources des thumorothèques ?
1.1 Le lien entre le patient et les éléments stockés : matériau et données
L’utilisation des éléments stockés, qu’il s’agisse du matériel ou des données qu’ils contiennent est étroitement dépendante de leur qualification juridique. Or, cette qualification est elle-même indissociable du lien juridique entre le patient et les éléments du corps qui ont été prélevés ainsi que des informations susceptibles d’en être tirées. Le droit français accorde au patient une sorte de « droit de suite » sous la forme des différentes volontés (au moment du prélèvement, de sa mise en banque, de son affectation à la recherche et éventuellement sa réutilisation). Ceci constitue une contrainte importante qu’il convient d’évaluer et d’analyser lorsque la volonté des chercheurs et l’intérêt général commandent une utilisation plus souple. L’étude de la nature juridique et du régime du droit de suite est à construire sur la base de la notion de droits de la personnalité plus conforme aux principes fondamentaux qui régissent la matière que le droit de propriété.
Se pose néanmoins la question d’une évolution du droit vers la consécration d’une forme de « propriété biologique » tournée vers le partage de la ressource, une « biosolidarité ».

1.2 Cadre juridique des missions et fonctionnement des tumorothèques
En tant que structure « Centre de ressources biologiques », les tumorothèques relèvent d’une double mission, thérapeutique et de recherche. Elles apportent une « valeur ajoutée » spécifique (missions de dépositaire, d’affectataire, de transformation, exigences de standardisation, certification …).
Elles sont régies par un chapitre du Code de la Santé Publique « Préparation, conservation et utilisation des tissus, des cellules et de leurs dérivés » (articles L.1243-1 et s.). L’insuffisance de cet encadrement légal et les spécificités techniques du champ étudié ont conduit à la mise en place d’un encadrement non contraignant de l’activité des tumorothèques. Il se compose d’avis, de recommandations, de guides pratiques, de lignes directrices émis par des organismes nationaux (CCNE, INCa, INSERM…) et internationaux (OCDE, UE…).
Les tumorothèques étant gérées de manières plurielles par des structures variées, leurs missions et leurs activités sont régies statutairement au cas par cas. On trouve ainsi des tumorothèques intégrées à des établissements publics de santé, à des groupements d’intérêt scientifique ou à des groupements sanitaires de moyen. Leurs gouvernances, auto-instituées, attestent de l’existence de véritables « politiques locales » de gestion, d’affectation qui tiennent compte essentiellement des intérêts des gestionnaires de collections (médecins et chercheurs, personne morale employeur), selon les réseaux auxquelles elles participent.

1.3 Contraintes pesant sur la constitution et l’évolution tumorothèques
La qualité des ressources biologiques, des données associées mais aussi des méthodes de stockage, de transformation et de leur mise à disposition est aujourd’hui un point crucial de l’évaluation des biobanques. Au plan national, il existe une grande hétérogénéité de structure et de fonctionnement des Biobanques abritant des tumeurs humaines. En effet, la grande majorité de ces biobanques a été organisée et individualisée en urgence, à partir de l’existant local, pour répondre aux exigences
de la loi bioéthique et à la déclaration des collections exigée en Août 2008. Ainsi, certaines biobanques sont des structures administrativement autonomes alors que d’autres sont liées à des services cliniques (anatomie pathologique, biologie, pharmacie …). De même la variété des ressources biologiques conservées peut-être très grande. Enfin, les missions des biobanques, définies par chaque établissement, sont également variables, certaines biobanques ayant vocation à une ouverture nationale et internationale, d’autres voyant leur activité limitée à la recherche interne à l’établissement. Afin d’homogénéiser le fonctionnement de ces biobanques et de favoriser leur ouverture, l’Etat les incite financièrement à se conformer à la norme NF-S 96 900 qui, par le biais d’une démarche qualité de type ISO 9001, précise la structure et les missions des biobanques.
Prendre conscience de l’existence d’un marché ?

2.1 Modélisation économique des tumorothèques françaises
La constitution des tumorothèques a un coût qui est constitué d’un cout fixe d’investissement (congélateurs, informatique) puis d’un cout unitaire par tumeur dû aux coûts de conservations (entretien des armoires de congélation, sécurité, énergie, espace, personnel..). Ces coûts ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie. Le choix de tumeurs à conserver est essentiellement basé sur la connaissance actuelle de la tumeur concernée et la mortalité causée par ces tumeurs. On ne conserve pas les tumeurs bénignes par exemple. Dans l’état actuel des tumorothèques, il semble que le coût perçu de stocker chaque tumeur supplémentaire est bien inférieur aux gains potentiels, mais ceci pourrait être amené à changer dans le futur. Actuellement, en pratique, les banques ne facturent que rarement leur prestation : cela dépend de leur nature privée ou publique, selon leur participation à des programmes de recherche ou non, si elle cède tout ou partie d’une collection. L’idée de bénéfice n’est pas promue.

2.2 Instruments juridiques contemporains de fonctionnement des tumorothèques
Selon leurs nature juridique et leurs missions, les tumorothèques ont recours à divers instruments de droit, principalement contractuels avec des partenaires extérieurs (contrats de collaboration sur l’étude, contrats de cession, contrat de dépôts, …) et unilatéraux pour des prestations internes à leur organisme. Là encore, la mise en place empirique de ces instruments explique quelques difficultés dans la valorisation de ces collections. La puissance publique y intervient parfois pour inciter à la création de collections spécialisées en vue d’organiser de nouvelles équipes (Institut National du Cancer : Appels banques clinico-biologiques).
Institutionnaliser les structures de partage de la ressource ?

3.1 Modélisation économique de l’intérêt public pour les tumorothèques
L’accès à des échantillons biologiques humains se trouve au coeur du processus de recherche et des avancées de la R&D biotechnologique et pharmaceutique. La valorisation économique des tumorothèques semble encore mal comprise. Les tumorothèques ont une valeur scientifique (résultats de recherche obtenus par leur utilisation et publications de ces résultats) mais aussi une
valeur économique pour la R&D biotechnologique car elles permettent d’effectuer de nombreuses recherches à un coût bien moindre que ce qu’il faudrait si l’on devait se contenter d’effectuer ces recherches sur des patients. Si on découvre par exemple qu’un antigène d’une cellule permettrait de différencier un type tumoral dans un grand groupe, on pourra le tester immédiatement sur grand échantillon grâce à une tumorothèque tout en connaissant le devenir clinique des tumeurs de la banque sans avoir à attendre des années.
On perçoit donc l’intérêt économique pour les laboratoires pharmaceutiques de ces ressources, dont les coûts et bénéfices méritent donc d’être mieux identifier. Il semble que la valorisation économique des tumorothèques et le « prix » d’accès à celle-ci soit encore très mal évaluée par les acteurs. Les tumorothèques accumulent des milliers de tumeurs et les techniques d’analyse microscopiques permettent d’utiliser une tumeur un très grand nombre de fois, ce qui fait que les tumorothèques constituent quasiment un bien public (utilisation presque non rivale) avec un coût marginal relativement faible (mais pas nul).
Il serait utile de mieux évaluer la valeur ajoutée créée par ces tumorothèques afin de mieux les valoriser auprès des partenaires privés et ceci afin non seulement de mieux répartir cette valeur ajoutée entre les partenaires que sont la tumorothèque (l’hôpital ou le centre de recherche contre le cancer) et le laboratoire pharmaceutique ou biotechnologique, mais aussi de permettre une allocation des ressources plus efficace en fonction de la valeur espérée pour la société de telle ou telle recherche. Si la valeur pour la société de la recherche biotechnologique est par exemple plus élevée pour les tumeurs A que pour les tumeurs B, il faudrait que la valorisation de l’accès à la tumorothèque le prenne en compte afin que les incitations de l’entreprise privée de recherche biotechnologique soient alignées avec la maximisation du bien-être de la société qui tient compte de beaucoup d’éléments comme la prévalence des maladies, les gains potentiels en terme de qualité de vie, d’espérance de vie, la probabilité d’améliorer les pronostics et thérapies etc… Cette question mériterait une analyse économique plus fine.

3.2 Structuration de la circulation des collections entre secteur public et secteur privé
Si ce partage est largement encouragé par les institutions publiques (référence Public STatement) et les consortiums internationaux (Global alliance), les entreprises privées ont également un intérêt scientifique et financier à accéder à ces ressources (Expert centers BBMRI). Le transfert des échantillons et des données devient, dès lors un enjeu et ces études se développent de manière exponentielle dans le contexte actuel de la médecine personnalisée (fourniture de service ou collaboration scientifique). Ainsi l’Etat français régule d’ores et déjà les flux entre secteur public et secteur privé (régimes de déclaration et d’autorisation). Cette régulation publique se combine avec les instruments du droit privé : lignes directrices pour la collaboration public-privé pour échantillon et données.

3.3 Intervention publique dans les infrastructures et réseaux de CRB en cancérologie
L’appartenance à un ou plusieurs réseaux est un atout majeur pour un CRB. En effet, elle permet de répondre à de nombreux problèmes tels que la visibilité, la mutualisation de frais ou la création de cohortes importantes de tumeurs rares. Il existe plusieurs types de réseaux que l’on peut rassembler en quatre catégories :
- Les réseaux thématiques (par type tumoral ou organe d’origine)
- Les réseaux géographiques (réponses pratiques de visibilité, de mutualisation de frais, de réflexion sur des questions très pratiques. Par exemple le cancéropôle GSO abrite le « club des CRB du GSO »).
- Les réseaux Fonctionnels (les objectifs sont d’apporter aux CRB une infrastructure d’aide permettant une augmentation de la qualité et de la capacité de réponse à des projets de grande envergure. En France, le principal réseau est « Biobanques » financé par le grand emprunt avenir.
Les règles de gouvernance et de financement doivent être précisées dès le début du projet. C’est le cas dans la grande majorité des réseaux de CRB car les responsables de CRB ont l’habitude de ces questions. En revanche, dans les projets portés par des scientifiques ou des médecins, ces aspects sont parfois mal définis et peuvent être source de désaccords.
Le cadre européen, à l’initiative souvent de l’Union européenne, relève de la même logique. L’action publique tente d’harmoniser les contraintes techniques et juridiques pour faciliter le partage de la ressource en initiant des réseaux européens ou en instituant des réseaux existants. La structuration des biobanques a dépassé nos frontières et se joue dorénavant au niveau européen. Depuis la création de l’infrastructure BBMRI (pour Biobanking and Biomolecular Resources Research Infrastructure) sous la forme d’un Consortium pour une infrastructure de recherche (ERIC, Règlement (CE) no 723/2009 modifié par le règlement (UE) no 1261/2013 du Conseil du 2 décembre 2013), les Etats membres du consortium européen se sont engagés dans la définition d’une politique commune pour les biobanques que ces dernières soient publiques ou privées. En l’absence d’un encadrement juridique harmonisé des biobanques en Europe (voir rapport Biobanks for Europe), les recommandations et pratiques développées au sein de l’ERIC feront office d’actes de régulation.

3.4 Le cas particulier de l’Oncopôle-Toulouse
La réunion sur le site de Langlade des collections dont les gestionnaires relèvent de personnes morales de statuts et d’objectifs différents a soulevé pour les concepteurs du projet des questions nouvelles de gouvernance et de statut juridique. Le cadre du Groupement sanitaire de moyens offre ainsi certaines possibilités mais pose encore des questions dans le domaine des collections et de leurs usages. La mise en réseau, la différence de rapport à la mission de recherche et à l’objectif d’autofinancement. Le pari que les pouvoirs publics ont fait de rapprocher sur un même site tous les acteurs de la lutte contre le cancer, doit s’accompagner de l’anticipation des formes juridiques permettant une activité commune, notamment l’établissement de collections collaboratives ab initio spécifiques à la recherche effectuée notamment sur le site. Il faudrait donc s’interroger sur les possibilités de créer des collections d’intérêt public.
La phase d’opérationnalisation de BBMRI-ERIC débute sa phase de construction tout comme le site de l’Oncopole. Les opérations de recherche du site Toulousain ne se limitent pas aux collaborations scientifiques locales mais ambitionnent d’être optimisées au niveau européen et international. La temporalité concomitante de ces deux phases d’opérationnalisation est une occasion unique pour l’Oncopole de se positionner au sein des biobanques européennes. C’est pourquoi l’actualité des partenariats publics privés et notamment le développement des « experts-centers » (concept développé durant la phase préparatoire de BBMRI consistant à encourager le partage des ressources sous leur forme dématérialisée, données, en associant des centres d’excellence publics et privés).
Intervenir avec les instruments de la puissance publique ?

4.1 Les instruments incitatifs ou coercitifs d’intervention publique
L'intervention publique dans le domaine des tumorothèques, de par les spécificités de cet objet, nécessite une approche renouvelée des politiques publiques en matière de santé. Cet interventionnisme pourrait revêtir plusieurs formes:
D’une part des formes autoritaires d’intervention, se rapprochant par exemple d’une propriété éminente de l’Etat sur les ressources biologiques, qui permettraient à la personne publique de capter ces ressources, de les affecter unilatéralement sans pour autant modifier le titulaire du droit de propriété sur ces biens. la nécessité de préserver ces ressources précieuses pourrait justifier que leur soit appliqué un régime juridique aussi protecteur que celui de la domanialité publique. Pourraient également être envisagés d’autres formes autoritaires d’appropriation telles que la nationalisation, la réquisition, ou la préemption.
D’autre part, l’intervention publique pourrait s’effecteur de façon plus souple via des formes d’incitation économique ou encore par l’édiction de règles non contraignantes.
4.2 La police sanitaire
Paradoxalement, si la réglementation des usages des collections elles-mêmes demeure faible, leurs missions s’insèrent dans des actions souvent fortement encadrées, sous forme de régimes d’autorisations. Ces régimes juridiques visent différentes finalités, principalement de garantie de la qualité sanitaire, mais aussi d’absence de trafic illégal, de vérification des conditions de prélèvement sur la personne, notamment de sa nécessité. Il s’agit donc d’une authentique police administrative exercée par des agences et des comités ad hoc (Comités de Protection des Personnes). Si le cadre juridique est connu, il convient de l’évaluer dans sa pratique et de l’interroger dans ses motivations et ses effets inhibiteurs sur la valorisation des collections.

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Informations complémentaires

Projet dirigé par:
Le professeur Xavier BIOY

Equipe de recherche:
Thibaut COUSSENS BARRE
Anna PIGEON

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